Le vendredi 13 août 2004, par une journée belle et fort agréable, j'étais dans le bateau de mes parents, le Rubia, avec C. R., et nous venions déjà de passer une très bonne semaine. Comme prévu, vers 8h30, est arrivé un couple d'amis, G. et É., qui m'ont réveillé, et avec qui je suis parti prendre un café sur le port (nous étions à Hyères). Nous avons ensuite décidé de partir faire les courses, puis sur le chemin du retour, accompagné par G., nous sommes passés à la capitainerie pour prendre la météo, comme toujours lorsque le bateau est au port (sinon, nous écoutons la météo via la radio, mais celle-ci est moins précise et couvre une zone plus large). Seule était affichée, alors qu'il était déjà 11h30, la météo de la veille. J'ai donc demandé aux personnes de la capitainerie ce qu'il en était, et il m'a simplement été répondu "on ne l'a pas encore reçue". Je me suis donc basé sur les prévisions de la veille, qui indiquaient une mer peu agitée à agitée, et un vent de force 3 à 4B.

Nous sommes donc repartis au bateau, après avoir jeté un oeil à la mer -- conforme aux prévisions, peu agitée et un vent moyen --, et avons pris un apéritif, en présence de G. V., jusqu'à ce que nous décidions, vers 14h30, de nous déplacer en direction de Porquerolles ou de Port-Cros. Constatant que la mer était peu agitée, nous décidâmes collectivement au milieu de la route, vers 15h30, de faire un court arrêt afin de piquer une tête pour nous rafraîchir. Une décision lourde de conséquences...

G. s'est baigné le premier, puis est remonté à bord. C. a ensuite suivi, et la suite diffère suivant les personnes. D'après G. et É. (qui était restée à bord), C., d'une vingtaine de mètres du bateau, aurait appellé et j'aurais alors plongé pour voir ce qu'il y avait; j'ai personnellement en souvenir d'avoir d'abord été dans l'eau, puis d'avoir entendu C. et d'avoir nagé à sa rencontre. À partir de là, nous avons regretté d'avoir invoqué si souvent la fameuse colère de Dieu chère à Desproges.

Sous l'effet du vent, le bateau, une vedette à moteur de 8m, sans quille, s'éloignât rapidement de nous, tandis que le courant, qui nous poussait dans le sens opposé au vent, nous empêchât de rejoindre le bateau. À bord, les efforts désespérés de G. pour lancer le moteur furent vain, et le navire s'en fût au loin, inexorablement. Par la suite, mes souvenirs sont confus. Je me souviens qu'au début, au bout de quelques minutes, j'étais toujours à proximité de C., et je lui dis de se mettre dos à la vague, afin de se laisser pousser par le courant en direction de la côte. Peu après, nous fûmes séparés. Je me souviens ensuite avoir vu passer 2 ou 3 hélicoptères, dont un m'est passé à moins d'une cinquantaine de mètres -- je distinguais nettement la personne du côté qui avait un harnais -- mais aucun ne m'aperçût. En fin de journée -- je m'en étais rendu compte par la position basse du soleil sur l'eau -- et à moins d'un kilomètre de la côte, une frégate de la Marine réussit enfin à me repérer, et un pneumatique vint me récupérer. Une fois monté, je me suis effondré de fatigue, réussissant à peine à répondre à leurs questions, et m'étant laissé aller encore plus lorsqu'ils m'annoncèrent qu'ils avaient déjà récupéré C. Il me semble avoir distingué dans la conversation qu'il était à ce moment-là environ 20h30, soit 5h dans l'eau...

Hissé à bord de la frégate à l'aide d'un harnais, je fûs transporté à l'infirmerie du bord, mis sous oxygène, puis héliporté jusqu'à l'hôpital de Hyères, où l'on m'a annoncé que j'étais en état d'hypothermie (34°, on m'a dit que c'était assez peu) et de déshydratation (j'en ai pourtant avalé, de la flotte...). J'ai pu appeller mes parents vers minuit, grâce à mon portable que G. et É. avaient eu la présence d'esprit de récupérer.

Réchauffé, drogué jusqu'à la moëlle par les antibiotiques, mais ma foi heureux -- vous auriez vu toutes les jolies infirmières des urgences, rah ! -- les médecins m'ont relâché dimanche matin.

Ce que je vais rapporter maintenant ne m'étant pas arrivé personnellement, il se peut qu'il y ait des erreurs ou des omissions -- je tâcherai de les corriger au fur et à mesure.

C., de son côté, a semble-t-il moins bien supporté le séjour dans l'eau. Un plaisancier lui aurait lancé une bouée, puis il fut hélitreuillé, inconscient, à bord d'un hélicoptère de la Marine. À bord, il a fait un arrêt cardiaque, et a été réanimé par une infirmière militaire par bonheur présente dans l'engin. Il a alors été transporté à l'hôpital militaire Sainte-Anne, à Toulon, et admis au service réanimation. Les médecins l'ont alors placé en coma artificiel afin que ses poumons puissent vider toute l'eau emmagasinée dans ses bronches, et il a été réveillé doucement dimanche en fin de journée. Les examens neurologiques du samedi et le scanner cérébral du dimanche n'avait montrés aucun signe de lésions.

J'ai pu voir C. lundi, alors qu'il était encore sous l'effet de sédatifs visiblement puissants -- il reconnaissait les gens, esquissait un léger sourire lorsque j'ai pu faire une de mes fameuses blagues nulles (genre "tiens, c'est bien comme avec les filles, je sais pas quoi dire..."), et avait à peine la force de serrer les doigts pour dire bonjour ou au revoir. Je suis repassé le voir mercredi... Plus aucune perfusion, un C. tel que je l'ai toujours connu, rigolo, avec du répondant, en train de râler -- "mais où est la télécommande de la télé ?" ou "ah, on se fait chier, ici !" voire "j'ai voulu aller aux toilettes ce matin, en me levant, je me suis fait engueuler". La seule "séquelle" notable est une perte de mémoire de 2 à 5 jours précédant l'accident, ce qui fait qu'il ne se rappelle pas de G. et de É. Bien sûr, des tests complémentaires seront encore à mener sur des fonctions autres que physiques (il marche, parle (bien qu'enroué, sa gorge a souffert, tout comme la mienne, mais ça devrait se remettre rapidement), bref bouge sans difficultés) -- vérifier s'il arrive à lire, écrire, et surtout valider sa mémoire à court/moyen terme, il ne se souvenait pas que j'étais passé lundi. L'action des sédatifs n'est toutefois pas à négliger... Je vous tiendrai au courant.

Quoi qu'il en soit, il devrait être rapatrié sur Paris, à l'hôpital de la Pitié, d'ici la fin de la semaine. Si vous désirez passer le voir, ou si vous avez des questions, n'hésitez pas à m'écrire, me téléphoner, passer me voir... Il serait vraisemblablement bon d'éviter de le bombarder de questions auxquelles il n'aura pas forcément de réponses. Ceci étant dit, j'ai essayé dans ce compte-rendu d'être le plus objectif possible, donc si vous détectez des traces de subjectivité, merci d'avance de me faire signe.

Mise à jour: C. est sorti de la Pitié le mardi 24 août, à peu près en forme, à la fatigue près, et est parti se reposer en Bretagne avec sa famille. Il n'y a plus de raisons de s'inquiéter.